Droits de la défense et principe du contradictoire – Procédure contradictoire asymétrique pour le contentieux de certains actes administratifs – Censure par le Conseil constitutionnel (QPC)
Le contentieux administratif est marqué par les exigences de l’intérêt général, la sûreté de l’Etat, la défense ou la sécurité publique pouvant justifier qu’il soit porté atteinte, dans certaines hypothèses, au caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle.
C’est le cas lorsque sont en cause les fichiers sensibles dits de « souveraineté », la sensibilité de la matière justifiant même que, dans certains cas, l’acte réglementaire qui les autorise soit dispensé de publication au Journal officiel (CE, 9 octobre 2015, req. n° 375977 ; 11 juillet 2016, Ministre de l’intérieur et ministre de la défense c/ M. A…, req. n375977, publiée au Recueil ; v. déjà sur le contradictoire asymétrique, lorsque le secret constitue l’objet même du litige : CE, Sect., 23 décembre 1988, Banque de France c/ Huberschwiller, req. n°95310, publié au recueil Lebon).
On fait difficilement plus opaque. Mais on peut se convaincre que c’est acceptable, en échange d’un contrôle scrupuleux des documents par le juge…
Le législateur a lui-même expressément prévu la communication au juge seul dans le contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et des fichiers intéressant la sûreté de l’Etat (cf. les articles L. 773-1 et s. du CJA, issus de la loi du 24 juillet 2015 et CE, formation spécialisée, 19 octobre 2016, M. S., req. n° 400688, publiée au Recueil Lebon). Le Conseil constitutionnel avait jugé que législateur avait, ce faisant, opéré une conciliation qui n’était pas « manifestement déséquilibrée » entre, d’une part, le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable et le principe du contradictoire et, d’autre part, les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, dont participe le secret de la défense nationale (décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015).
Une fois n’est pas coutume, le Conseil constitutionnel a censuré une récente procédure de contradictoire asymétrique, ces procédures ayant tendance à se multiplier.
Il était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article L. 773-11 du CJA créé par la loi du 6 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, qui prévoit une procédure dérogatoire lorsque les décisions administratives en litige (dissolution d’associations, fermeture de lieux de culte, décisions en matière de séjour sur le territoire ou de nationalité…) sont fondées sur des motifs en lien avec la prévention d’actes de terrorisme.
Ces dispositions avaient pour conséquence que la personne pouvait se trouver privée de toute possibilité de connaître et, par conséquent, de contester les éléments ayant fondé la mesure administrative prise à son encontre. En outre, faute d’avoir connaissance de ce qui fonde la décision rendue par le juge, elle ne pouvait exercer utilement les voies de droit qui lui étaient ouvertes.
Alors que sont en jeu des mesures de police administrative qui sont susceptibles de porter atteinte aux droits des personnes concernées, notamment à la liberté d’association, à la liberté d’aller et de venir, à la liberté de conscience, au libre exercice des cultes, au droit d’expression collective des idées et des opinions, au droit au respect de la vie privée et au droit d’asile, le Conseil constitutionnel a jugé qu’en prévoyant une telle dérogation au caractère contradictoire de la procédure devant le juge administratif, le législateur n’avait pas opéré une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées (décision n° 2025-1147 QPC du 11 juillet 2025).

